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samedi 8 novembre 2014

Demos tombe à l'eau, Ego le remonte ?

Pour contrapuncter avec ce qui précède, prenons l'exemple d'une maison où vivent une petite dizaine (au moins) de personnes en vacances.

Dans la salle commune, on décide de mettre de la musique, mettons une radio musicale pour adolescents grand public. Sur les dix, neuf personnes sont satisfaites par ce choix. La dixième supplie les autres de n'en rien faire, leur assurant que cette musique est pour elle une véritable torture.
Les autres vont faire droit à cette requête par charité, disant que fussent-ils mille, ils ne sauraient admettre une mesure qui fait souffrir une seule personne.
On décide alors de mettre une douce musique de harpe, qui satisfait tout le monde, sauf la onzième personne (finalement ce sera une grande dizaine) qui entrant à ce moment dans la maison, dit que la harpe la stresse horriblement, car cela lui rappelle un traumatisme d'enfance.

Je vous passe la suite. Alors allez-vous me dire, toute société est impossible ? Je plaide pour une marge d'optimisation.

Etant donné que l'individu sait ce qu'il est (ego), du moins le sent, car cela peut varier au cours de la vie (vous pouvez supporter la musique sauf lorsque vous êtes souffrant, par exemple), et que l'individu n'a de demos qu'une vision floue, malgré le fait qu'on lui demande de s'en imposer les vues, il semble naturel que l'individu ait vis à vis de demos une certaine marge de tolérance.

Mais que demos vienne à exiger de ego un écart trop grand par rapport à ce qui est souhaité (besoin, désir ou morale), il y a rupture du contrat social. Enfin rupture, disons tension.

Ce que je propose est donc dès l'école primaire, de rechercher dans quelle zone un enfant se situe, cet enfant, au centre de quelle zone son ego semble positionné; Ainsi on aura plus de chances qu'il soit heureux, non dans un espace unique pensé pour tous comme si tous les enfants étaient semblables, ce qui est le cas actuellement pour toutes les options d'éducation, mais dans un espace adapté.

Il ne s'agit pas bien sûr de cherche comme on part aux champignons, mais de situer, à travers des observations faites au cours d'activités, le positionnement " spontané " de la personne. Et je ne dis pas d'activités orientées. Je pense qu'avec un peu d'écoute sur le cours quotidien des événements, on obtient suffisamment d'informations.

Bien entendu, on récoltera plus si on a une classe qui part en forêt ramasser des champignons que si l'on benne des zombies bardées de plus de protections qu'un débutant en full-contact, au bord d'un tapis en plastique mou pour être sûr qu'une norme mal appliquée ne vienne pas expédier l'instituteur en prison.

Une telle latitude existe déjà : chacun, dans la mesure de ses moyens, habite à la ville ou à la campagne selon qu'il aime le bruit ou pas. C'est cette latitude qu'on pourrait utilement agrandir, par exemple, en facilitant la possibilité offerte à l'individu de s'entourer  " à sa mesure".

Je veux dire par là que le seul secours pour vivre selon ses propres règles est d'acheter une maison entourée d'une grande surface protectrice, et qu'on pourrait peut-être orienter un peu les choses dès l'enfance pour faciliter à l'individu, même peu fortuné, la possibilité de trouver un environnement qui lui convient.

On me dira qu'on organise la ségrégation, et que pour satisfaire les besoins du groupe des calmes, il faudrait allouer à chacun une propriété d'une dizaine d'hectares. Bien. Mais on peut sans doute progresser entre la situation actuelle et cette thébaïde, non ?

On voit d'ailleurs que la question se pose dès l'école. Pourquoi obliger tout le monde à faire des maths pendant des heures, notamment aux danseuses, qui devront se débrouiller à s'épuiser after hours, et ne pas imposer à tout le monde dix heures de danse par semaine, quitte aux matheux à voir avec les associations le soir ?

On me dira que tout cela coûte très cher. Certes. Comment répondre alors à la question de savoir si la société est faite pour assurer le bonheur de chacun, sous peine de n'avoir pas à exister ? Et je passe sur la contradiction.

Il y a une planification d'ensemble qui est censée satisfaire ma majorité. Soit, et à ce propos, on me dira qu'il y a des gens qui se sentent très bien à vivre en société, et entouré d'autres. C'est un fait indiscutable, mais sa critique revient à boucler sur la notion d'individualité, l'ancre échappe ici vers l'article sur l'IS.

Si on se réfère aux études de la psychologie cognitives sur les tentations inférentielles, aux probabilités pour l'échantillonnage dans les questionnaires, et à l'hystérésis due à la complexité des prises de décision en matière de politique en démocratie, peut-on dire que les décisions politiques prises en 2014 par du personnel né au mieux dans les années 1960, personnel élevé dans les idées de leurs parents nés en 1930, soient vraiment en phase avec la majorité des individus ?

C'est décaler la question vers : " Quand bien même la démocratie se donnerait cela pour objectif, s'en est-elle donné les moyens à l'heure d'Internet et plus d'un siècle après les balbutiements de la psychanalyse ?"

C'est ici que je vais fusionner avec les allusions de cet article. Bien que John Moullard, cet immense plasticien du XXIème siècle, ait à maintes reprises pointé les conséquences nuisibles de la confusion entre l'espace du langage et celui de la réalité, il m'échoit d'en préciser certaines autres.

D'abord celle du Tertium non datur. En logique pure, peu importe, mais en démocratie, cela tire à conséquence. En effet, imaginons la conversation d'une personne A qui fait un reproche à une personne B, lui disant : " Ce que tu fais là est une bêtise ". " Ah oui, lui répond B, " c'est quelque chose d''idiot ? " - Oui
Parce que tu sais toi ce que sont les bonnes choses et les mauvaises, tu sais ce qu'est le bien et le mal ?

Et là, évidemment, A reste le bec cloué : il ne peut prétendre discerner le Bien du Mal. A titre individuel, cet exemple ressemble à de la psychologie de comptoir, et pourtant, le même mécanisme fonctionne à l'échelle collective.

Mais avant, examinons le point douloureux. Il est évidemment dans le Tertium non datur. En langage, on peut créer deux classes dont les membres s'excluent mutuellement par leurs propriétés : le jour, la nuit, le blanc, le noir, tout cela fonctionne admirablement, quand dans la réalité c'est l'inverse, tout se déroule dans des aubes et d'interminables crépuscules, où les notions claires fonctionnent comme des idées-limites pour la connaissance, mais où elles n'ont pas ce privilège exorbitant de fonctionner en certitudes et en termes de loi.

C'est pourtant cette transgression que nous avons osée, et le propos d'avocat " tout se plaide" en témoigne. B a récusé l'accusation de A au titre qu'elle était infondée, puisque son fondement était une distinction impossible entre le bien et le mal.

Or c'est ce que la République propose au citoyen à travers le contrat social, quand on a évidemment la chance de vivre en démocratie, en lui disant " une majorité d'individus a décidé qu'en vertu de [ce qui est bien et mal], consensus interne au langage, cf. les articles mentionnés (point 2), tu dois te conformer à ceci ou cela".
Sans parler du caractère catastrophique des mécanismes de représentation, qui frise l'escroquerie, aucun membre de cette clique n'oserait prétendre à titre individuel savoir discerner le bien du mal.
Que ce soit dans l'espace (les Pyrénées) ou dans le temps, la sagesse populaire sait depuis longtemps que la vérité d'hier sera moquée demain, et que ce qu'on tourne en ridicule aujourd'hui sera adoré demain.

Pourquoi  ? Parce qu'il n'y a ni bien ni mal autre que des conventions de langage, ou pour le dire mieux, il n'y a ni bien ni mal ailleurs que dans le territoire où règnent les conventions du langage, tout simplement parce que le bien et le mal n'existent pas, seuls existent les mots " bien " et " mal", lesquels n'existent que à l'intérieur du langage, et que, en vérité, dans l'espace de la réalité, le tiers est donné, offert en permanence, qu'il circule comme les plateaux de petits fours à un séminaire interministériel sur la précarité en milieu rural.

Je n'irai pas plus loin là-dedans. Je voulais juste signaler que le langage est un outil qui peut être utilisé dans le sens de l'oppression ou de la libération. Et que si on portait à ces questions une attention soutenue, si on se donnait les moyens de traiter chacun de nous avec douceur au lieu de se servir d'oppositions imaginaires pour se contraindre les uns les autres, on vivrait collectivement dans un monde plus confortable.

C'est à dire à faire coïncider bonheur individuel et intérêt général, en rapprochant les désirs de chacun et les règles communes, donc d'harmoniser le corps social, au lieu de le travailler par des ségrégations plus ou moins bien venues.

Mais ce sujet, ma pauvre ! Vivre mieux, personne n'y a intérêt, vous n'y songez pas. Vous aurez donc soin de continuer comme par le passé, à ne pas prêter attention à mes discours, et à aller voter pour l'un des deux candidats qu'on vous propose, puisque vous avez bien digéré que le tertium est non datur.

N'empêche, tant qu'il me restera un peu de force et quelque moyen, je pousserai. La ligne invisible de partage des eaux entre le transhumanisme évoqué ici et une prise en charge spirituelle hors de la technologie est sans doute une future ligne de fracture idéologique majeure.

Elle se dessine sous nos pieds et il est temps de provisionner de la réflexion dessus. Clarifier la façon dont le langage construit et entretient le rapport de l'individuel au collectif en est un préliminaire important pour passer de l'âge des idéologies à une nouvelle ère.


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