Rechercher dans ce blog / Find in this blog

samedi 25 juin 2016

Ces erreurs qui nous appartiennent

Je voulais poser ici des choses disparates, mais qui se rejoignent quelque part.  J'arriverai à ce " quelque part ", un jour.


Tiens à ce propos, voilà ce que j'ai écouté cette semaine, ça peut servir. D'abord un petit St Augustin, le mélange d'amour et d'horreur (Géraldine, dans " la conversion point ", l'infinitif est " poindre", non " pointer"), surtout pour cette relation au temps qui n'a pas commencé. Je ne suis d'ailleurs pas contre cette idée que Dieu qui est en fait " déjà là". Il est déjà là comme symbole de l'unité perdue, il est déjà là tout court.

 Et un petit Derrida de derrière les fagots. On y reviendra.

Donc, revenons au sujet, je réfléchissais d'abord au statut qui est nôtre lorsque nous intégrons la morale de la société. On sait que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet avec la série d'articles sur " En quoi suis-je concernée par la loi ? "

Mais je vais revenir à la charge par un autre biais. Prenons l'exemple d'une personne à qui un créancier réclame de l'argent que cette personne ne possède pas. Imaginons que le créancier trouve appui dans la justice, et que cette dernière prête le concours de la force au créancier.

La personne va voir avec une certaine perplexité les foudres de la justice se déclencher, et une armada de gens la " sommer" de payer, la " mettre en demeure de " etc. toutes choses inutiles.

La victime va alors assister à un étrange spectacle, l'entrée en furie de personnes tenues pour rationnelles (des avocats, des magistrats, de zélés fonctionnaires, des huissiers...) pour faire aboutir une manœuvre dont ils savent qu'elle n'a aucune chance d'aboutir, mais qu'ils poursuivent tout de même.

Ce défi à la raison prouve que le but de la manœuvre n'est pas logique, mais moral. Il ne s'agit pas de récupérer de l'argent, mais de faire " respecter le droit". La puissante institution répète à la victime :" tu dois, tu dois", jusqu'à ce que la première soit bien forcée d'entendre l'inflexible " je ne peux pas" de la seconde.


Ce qu'il s'agit d'enforcer, comme dit l'anglais, c'est le devoir. C'est que les gens exécutent ce qu'ils doivent. C'est cela qui importe à la société, le respect de la morale, non un fonctionnement correct.

Mais ce faisant, étalant sa puissance, elle offre au citoyen le spectacle un peu pathétique d'une entité "déboussolée", qui agit selon des principes et non selon la raison, en d'autres termes, elle est victime de croyances et d'illusions.

Persuadée de son bon droit, c'est à dire de ces croyances transformés en loi, la police prête le concours de la violence à son fantasme, pour un passage à l'acte permettant à une assemblée de personnes de brutaliser un citoyen isolé, au prétexte de faire " respecter le droit".

Donc non seulement déboussolée, mais ivre de sa puissance arbitraire. 

Vous allez me demander ce que cela vient faire là. Eh bien je pense que cela peut être une des raisons du "retrait autistique". Je crois que c'est J.-P. Maleval, qui parlait de l'utilité d'un psychotique dans un groupe pour en sentir précocement les dysfonctionnements.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'enfant autistique possède des dons précoces pour comprendre ( et c'est là que se situe mon "contrairement", car on pense toujours que les fous sont idiots) de façon "rationnelle" les situations sociales et les enjeux qui les déterminent.

En d'autres termes, l'enfant refuse "d'entrer dans le jeu", parce qu'il comprend, mieux et plus tôt qu'on ne le pense que c'est un jeu de dupes. Il comprend par une intuition fine des mécanismes de pouvoir et de soumission, que la raison n'a rien à voir ans les mécanismes sociaux, qu'elle est la façade donnée en prétexte pour les jeux de domination et de violence.

Mais la mauvaise foi est à l'échelle du bâtiment. Elle est haute et lourde comme sa façade à colonnes du palais de justice. La remettre en question est interdit, c'est trop risqué, ce serait remettre en question l'ensemble des faux-semblants de l'édifice social, lesquels servent les puissants et les violeurs, et conservent à leur service des vassaux qui attendent en retour de l'omerta et de leur caution quelques miettes du droit de violer, et misérables privilèges en pavillons de banlieue et automobile à moteur diesel.

L'enfant, qui vient de tomber du paradis récemment conquis du paradis de sa totale humanité, sent très bien à quel point tous ces subalternes du système se sont vendus. A quel point ils ont vendus leur humanité à la violence du système, contre un frigo bien rempli et l'appui de la police en cas de bris de vitres.

Ce qui leur vaut, bien sûr, la reconnaissance sociale.

Alors vous allez me dire que je suis bien gentille, mais que l'autisme et la psychose ont des causes biologiques (génétiques et autres) et ne relèvent pas d'un choix  économique.

Bien sûr. On peut faire remonter les saumons jusqu'en Ecosse, ils finissent tous coincés entre deux films plastiques. Moi je maintiens que si. Le retrait psychique ne connaît ni le corps ni les générations, il est comme un egregor qui plane sur les gens, les déterminant bien avant leur naissance par le lieu où ils vivent et leurs parents, dont la violence en cascade les condamne bien avant la justice (1).

La violence que la société exerce contre les individus poussent ces derniers à se désengager, et lorsqu'ils n'ont plus de refuge sûr, lorsqu'on les y pousse, ils iront jusqu'à se retrancher à l'intérieur d'eux-mêmes.

C'est ce qui explique l'apparente contradiction entre une facette de la société qu'on qualifie d'individualiste d'une part, et d'autre part cette facette " associative ", où fleurissent les occasions de faire bouger le " vivre ensemble".

Second motif : Nous ne sommes jamais nés, puisque la date ne nous est pas connue

Je m'explique. On vous a donné votre date de naissance, que l'on fait coïncider avec celle de l'accouchement de votre mère. Mais vous savez que vous n'avez conscience ni de ce jour, ni d'aucun autre, au cours duquel vous seriez " née".

Il s'agit plutôt de souvenirs fragmentaires, de lambeaux d'étoffes, d'épisodes remémorés (et pourquoi ?) qui s'agrègent pour former une trame mémorielle de plus en plus dense, un " film " qui devient " continu", continuité d'où émerge celle de l'impression d'un moi constitué, et constitué aussi d'un passé d'où il émerge.

A l'autre bout de la vie, c'est encore mieux. Non seulement nous ne connaissons pas l'heure de notre mort, mais nous n'en aurons ni conscience, ni souvenir.

Puisque nous ne sommes ni nés, ni morts, nous n'existons pas. Il n'y a pas de lieu pour un trait de notre vie. Il y a un enchevêtrement de ronces, entre nous et d'autres, entre nous et des évènements, dont on peut distinguer un " moi", si on y tient vraiment.

A ce propos, je vais vous faire tenir cet extrait d'Un Interprète en Quête de Sens, de Piera Aulagnier, c'est page  178 :


 



Et je livre cette phrase à votre méditation

"
Cet espoir de retrouver sur la scène du réel ce premier Autre, tout aussi perdu que l'objet défini du même terme, se  révélera aussi irréductible que le désir lui-même. Si pour l'enfant, c'est la mère qui reste jusqu'au déclin du complexe d'OEdipe celle à qui il demande en vain cette métamorphose, pour le sujet adulte, ce même espoir, tout aussi tenace, ne pourra se réaliser que dans trois cas : la folie, la jouissance et la mort.

Ce sont là les trois cas et les seuls, où sur la scène du réel, le corps propre devient le lieu de l'Autre. Dans la folie, où le corps s'offre totalement à l'offrant, n'est plus que le discours de son désir (qu'on se rappelle, ce qu'enseigne, à ce propos, Schreber), dans la jouissance où le sujet s'efface, et n'est plus que ce désir qui, pendant ce fugitif instant, s'énonce comme vérité qui ne se laisse saisir aux rets d'aucune parole, dans la mort où pour la deuxième et dernière fois, sera offert au sujet ce qu'il ne savait pas demander. "


C'est tout de même une phrase magnifique ... et terrible. Choisis ton cas, camarade...

Enfin troisième motif, je reparcours les blogs de mon œuvre textile pour les mettre au propre (2), et c'est de là qu'est venu le titre de ce billet.

Les articles de mon blog textile sont pleins d'erreurs. Erreurs de jeunesse, erreurs d'appréciation, erreurs de jugement, choses que je croyais, et qui se sont infirmées depuis, choses tombées au oubliettes, choses pensées sans suite et qui ont donné de belles branches.

Les œuvres sont elles aussi pleines d'erreurs, pour ceux qui comprennent ce que cela veut dire.

Mais ces erreurs m'appartiennent, elles appartiennent à mon être, à la façon qu'il a de faire les choses.

Je n'aime rien tant maintenant que mes œuvres de jeunesse, parce que ce sont celles qui comportent le plus d'imperfections, d'erreurs et de maladresses.

Sache-le, ma sécheresse, j'ai besoin de mon humidité, de à où coule un peu d'eau je me réfugie. Ces erreurs m'appartiennent aussi au sens où elles me définissent, elles sont comme des étais que je ne saurais enlever sans mettre l'édifice en péril.

Le succès me prouve que la chance existe, que les yeux bandés j'ai attrapé le pompon, mais l'erreur me prouve que j'avais vu  juste, et que j'ai mis le doigt sur le problème. Dupliquer ses créations de façon artisanale, c'est fuir l'erreur et son cortège de leçons. 

 Je suis entrée dans le processus qui a pour but de cesser de créer. Cela n'intéresse personne. La fin de cette tentative est l'aboutissement pour mettre fin à cette tentation de penser trouver la solution dans l’œuvre suivante, comme le joueur espère se refaire dans le prochain coup. La solution viendra toujours de cet ailleurs, ce ce là bas pas encore advenu de la réalisatiion de la prochaine oeuvre, vaine identification à l'artiste faiseuse d'objets partiels, comme autant de buts dans la quête de savoir sur le désir.

Je reparcours des figurees qui existent déjà comme la petite fille qui joue à la marelle. Ce que je crée existait déjà. C'est juste mon ignorance du futur qui me le fait découvrir  " à-nouveau", mais elle était toujours déjà-là

Il n'y a aucune tendance dépressive dans ce que je dis. Un constat que certains comprendront, d'autres pas, mais qui en tout cas ne s'exprime pas, ne s'explique pas.

La sentence de Rigaut " Mon livre de chevet, c'est un revolver", paraphrase ce constat. La mort, la deuxième et dernière fois, est une issue qu'on consulte comme on le ferait d'un livre, avant de s'endormir, pour savoir si on s'endort tout de suite ou bien si on puise encore quelque espoir dans le futur 'un savoir non encore acquis.

Ayant toujours eu la création comme béquille pour justifier ma survie jusqu'au lendemain, je me demande ce que je vais faire.

Lire, bien sûr. La pensée de la Renaissance, pourquoi pas. Le travail de synthèse fait pas les historiens des idées est toujours passionnant.

Mais ceci dit, ce n'est pas parce que j'ai sorti les volets que je suis au sol. Il va falloir négocier l'approche, mon bon.


(1) Il suffit de voir en ce moment la crétinerie de la violence exercée à l'encontre d'une pauvre femme condamnée aux assises pour avoir noyé son enfant pour s'en convaincre.

La société, ne songeant pas un seul instant à s'interroger sur sa carence à considérer le cas avant le meurtre, punit cette malade de sa différence.  " On bat les fous " serait encore trop bon. On bat les différents sans les entendre, " pour leur apprendre " comme dit le parent violent qui bat son enfant.

Le fait que cette petite fille (celle qui a fini sur plage) doive vivre est une opinion qui se plaide. La société n'ayant apparemment pas réussi à convaincre la mère, elle l'envoie en camp de redressement. Bel exemple de dialogue démocratique.

Cette pauvre femme va passer le reste de sa vie dans une pièce, se demandant pourquoi on l'a enfermée, et demandant une interminable analyse. Elle sortira vieille, sans avenir, sans avoir compris pourquoi on lui en veut autant d'avoir trouvé une solution qui avait ses avantages sur le moment, comme ce que fait tout le monde tous les jours en choisissant de s'arrêter dans un restaurant plutôt qu'un autre.

Lorsque je dis " je maintiens que si", je pousse la frontière de l'idée limite le plus loin possible, pour que soit la plus large possible la marge que j'aurai gagnée, espace dans lequel on cessera de considérer ces maladies comme des fatalités génétiques pour les considérer comme le résultat de violences sociales.

Hier cette dame a été condamnée à 20 ans de prison, il paraît que ses premeirs mots à l'issue d'une audience muette ont été pour demander à son avocat si on pourrait éclaircir les circonstances de la mort de sa fille, ce qui prouve si besoin était l'imbécillité d'un jugement qui n'a comme objectif que de ne pas soulever la réprobation du bourgeois.

(2) Je rejoins ce que je disais sur le toucher. Ces articles de bog ne valent pas les vraies photos, et les vraies photos ne valent pas les œuvres elles-mêmes pour les couleurs, les textures...




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire